La flûte enchantée - Théâtre du Châtelet - Opéra de Montepellier

Publié le par Lwiss

Le théâtre du Châtelet ouvre sa saison lyrique avec deux versions de la Flûte enchantée. Tandis qu'une version africaine sera jouée pour la première fois le jeudi 8 octobre, la première de la version classique avait lieu hier soir. Il y avait foule pour entendre le choeur et l'orchestre de l'Opéra de Montpellier dirigés par Lawrence Foster et le public parisien était particulièrement en forme pour distribuer les bons et les mauvais points, les premiers pour l'excellent plateau lyrique, les seconds pour la désastreuse mise en scène de Jean-Paul Scarpitta.



Jean-Paul Scarpitta, artiste en résidence à l'Opéra de Montpellier, a choisi de faire de La Flûte enchantée un conte pour enfants. Pour cela, il se sert de deux récitants qui interviennent constament au cours de l'opéra pour décrire ce qu'il se passe et donner au spectateur la signification symboliqe et morale de l'histoire. Certes, La Flûte enchantée possède un des livrets les plus compliqués du répertoire mozartien mais l'utilisation de deux récitants pour raconter l'opéra qui se joue en même temps relève d'un manque total d'imagination et, surtout, conduit la mise en scène à commettre de nombreuses erreurs. Le texte même de ces récitants, écrit par Jean-Paul Scarpitta et Clémence Boulouque, est d'une platitude affligeante et vient remplacer les dialogues en allemand du livret original. Cela crée ainsi une triple coupure. D'une part, le conte philosophique mozartien devient le temps de ces répliques un conte niaiseux pour enfants, ensuite, le passage de l'allemand au français interrompt la musicalité de la langue au moment où elle est le plus fragile puisque la musique est suspendue, enfin, le jeu même des chanteurs passe soudain de l'action au mime puisqu'ils sont privés de la parole par les deux récitants. Il faut rajouter à cela le choix  de Scarpitta de faire de la flûte un symbole, de ne pas la confier à Tamino et de la suspendre en l'air au-dessus de lui pendant qu'il se contente de mimer les morceaux qu'il doit jouer pour se sortir de ses épreuves. Ce choix de mise en scène se révèle catastrophique puisqu'il empêche toute continuité dans le récit et laisse le spectateur définitivement en dehors du monde magique qui s'ouvre devant ses yeux. En effet, il faut quand même reconnaître à Scarpitta et à ses assistants une scénographie, des décors et des costumes particulièrement réussis. La scénographie est en fait la seule qualité qu'a su faire émerger Scarpitta de son choix de mise en scène. Il a voulu montrer le plus clairement possible les oppositions et les univers qui se rencontrent dans cette oeuvre. S'il s'était contenté de les montrer au lieu de les faire réciter, ce spectacle aurait été absolument magique. D'autant que cette scénographie très lisible s'inscrit dans un décor sobre mais efficace dans lequel évoluent des personnages aux costumes somptueux ainsi que des acrobates, des danseurs et un gigantesque lion en marionnette qui participent à créer un univers magique, drôle et surprenant. On se console donc de la mauvaise mise en scène en admirant des images sublimes, magnifiées par une musique presque parfaite. L'ouverture de l'acte II avec l'air de Sarastro "O Isis und Osiris" interprété par Petri Lindroos est ainsi un moment d'une beauté exceptionnelle tant le timbre à la fois chaud et brillant de Lindroos se même avec délice aux lumères blanches et dorées des décors et des costumes.
Ce sont effectivement les solistes qui font de cette production un vrai régal pour les oreilles et pour les yeux, même si de manière générale, on peut leur reprocher un léger manque de volume pour dépasser l'orchestre. La palme revient sans conteste à Sandrine Piau qui interprète une Pamina éblouissante de sensibilité et de caractère. Ses aigus sont incroyablement légers et sa voix vibre tout en grâce et en émotion. On retient ensuite l'excellente prestation des trois enfants de l'Opéra Junior aux voix déjà bien assurées, parfaitement justes. Enfin, Detlef Roth, campe un Papageno terriblement attachant, joyeux et poltron. Il parvient à révéler toute la profondeur du personnage de Papageno et nous ravit par son interprétation posée et fine. Le reste de la distribution est aussi de très bon niveau même si Uran Urtnasan Cozzoli propose une reine de la nuit un peu fade, aux aigus serrés. On est surtout ravi par les ensembles, en particulier par les trios et les quintets dans lesquels on admire un vrai travail collectif qui sublime la partition de Mozart. On regrettera néanmoins la baguette un peu molle de Lawrence Foster qui ne tire pas toute la puissance que l'on attendrait de l'orchestre en particulier sur l'ouverture et le final.
Malgré une mise en scène qui méritait les huées qu'elle a essuyées, cette production s'est donc avérée très réjouissante musicalement et visuellement et c'est avec plaisir que l'on retrouvera Sandrine Piau au cours de la saison, en particulier au théâtre des Champs-Elysées en mars pour un gala Haendel avec Philippe Jaroussky et Emmanuelle Haïm et en juin pour un Don Giovanni à la distribution très prometteuse.

La Flûte enchantée
Production de l'Opéra National de Montpellier
Dirigée par Lawrence Foster
Mise en scène par Jean-Paul Scarpitta
Avec Sandrine Piau (Pamina), Frédéric Antoun (Tamino), Detlef Roth (Papageno), Uran Urtnasan Cozzoli (la Reinde de la nuit), Petri Lindross (Sarastro)

Les 3 et 4 octobre au théâtre du Châtelet
Les 15, 16 et 18 octobre à l'Opéra Berlioz de Montpellier

Publié dans Critiques

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