Vous avez dit spirituel?

Publié le par Lwiss

Dimanche 18 octobre, 17h, nous faisons notre rentrée au théâtre des Champs-Élysées où nous sommes invités par le directeur du Palazetto Bru Zane à la représentation en version concert d'Andromaque d'André Ernest Modeste Grétry.
Comme à l'habitude et même avec des invitations, nous rencontrons des problèmes avec nos places. La dernière fois, notre réservation n'avait carrément pas été prise en compte, cette fois une de nos invitations indique un fauteuil déjà occupé. Et comme nous sommes jeunes, l'homme qui se trouvait devoir partager sa place avec moi n'a pas bougé un pouce pour éclaircir la situation. Il y a fort à penser que si nous étions venus dans le cadre de notre abonnement jeune, plaider notre cause aurait été fastidieux mais le fait d'être invité et placé à la corbeille a joué pour nous et une aimable ouvreuse nous a simplement replacés... à la loge d'honneur.

Bref, nous avons ainsi pu profiter pleinement de la musique et du spectacle car même sans mise en scène, voir Hervé Niquet diriger le Concert Spirituel revient à assister à un numéro de cirque assez étonnant. C'était la première fois que nous voyions ce trublion en scène et autant dire que la surprise fut grande. Avec le Concert Spirituel, Hervé Niquet a réalisé de nombreux enregistrements de pièces baroques et j'en ai écouté beaucoup, acheté quelques-uns. Joués sur instruments d'époques, ces enregistrements m'ont toujours beaucoup plu par leur vivacité et leur grande expressivité quasi théâtrale. Or, ce soir-là l'image rajoutait à la musique et ce fut trop. L'exécution caricaturale des nuances et des accents par Hervé Niquet permet de rendre une écoute sur CD presque palpitante. Le voir gesticuler autour de son pupitre en s'agitant dans de grands mouvements chevaleresques, pourfendant l'air avec sa baguette brandie comme une épée devient en fait très vite très agaçant. A cela s'ajoutent des musiciens tout aussi gesticulants, surjouant leur inspiration. Le cocktail est écœurant tant cette gestuelle renforce une musique déjà caricaturée où il n'existe pas de nuance ni de subtilité. Et si l'on a pu apprécier la qualité des enregistrements, on apprécie ici le travail de mixage qui a du être fait pour les produire car, en concert, on assiste à une réalisation brouillonne par un orchestre parfaitement désaccordé. Pas une mesure ne s'écoule sans que l'harmonie en soit gâtée par des défauts immenses de justesse.
Il ne restait plus qu'à se délecter des solistes qui, heureusement, savaient insuffler de l'esprit dans ce torrent de grossièretés. Si Karine Deshayes m’a un peu fait peur en première partie car elle me semblait peu assurée, je l’ai trouvée très convaincante en deuxième partie, développant un beau timbre, très doux. Son interprétation était un peu timide mais cela la rendait aussi touchante. A ses côtés, dans le rôle de Pyrrhus, Sébastien Guèze s’est révélé en jeune ténor très prometteur. Sa voix vaillante et brillante était idéale pour ce rôle et son énergie régalait la partition. Maria Riccarda Wessling et Tassis Christoyannis faisaient figure d’aînés en Hermione et Oreste. Leurs timbres chauds et leur interprétation très engagée tout en étant ciselée furent un ravissement.

 

Au final, ce concert fut très applaudi par un public apparemment enthousiaste face à l’esbroufe de Niquet. Mais après tout, pourquoi bouder son plaisir face au charme tout à fait désuet d’un orchestre jouant le baroque à la mode des années 1950 dans un théâtre vieillot accueillant une bonne société sortie de l’ancien régime ?

Publié dans Critiques

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